De retour à la Kasbah, 25 Février 2011.
Je risque peut être (sûrement même) de verser dans « le-petit-monde-parfait-des-bisounours » mais la manifestation d’hier comme toutes celles qui ont eu lieu m’a redonnée confiance en l’avenir du pays.
On ne l’a sûrement pas dit assez mais ce sit-in a été totalement pacifique, malgré le nombre élevé de personnes et l’étroitesse du lieu (qui aurait pu imaginer que la Kasbah devienne la nouvelle place Tahrir de la Tunisie ?).
On m’a dit 100 000 personnes je vous dirais largement plus même car ici 23 ans de dictature et 55 ans d’indépendance nous ont peu habitués aux révolutions, et les gens semblent plutôt adeptes des « migrations pendulaires » ; ils viennent, apportent leur soutien quelques heures et puis s’en vont remplacés par d’autres.
Ce que j’ai vu et entendu mis à part les « Ghannouchi dégage ! » et les chansons révolutionnaires c’est une prise de conscience "générale". Les tunisiens se sont réveillés ! Au revoir les manipulations des mauves, les mensonges perpétués pendant des décennies, les « rebelles » de la Kasbah n’y croient plus.
Bon d'accord je l'avoue difficilement (et mon orgueil de tunisienne en prend un coup) mais il y avait quand même une minorité de personnes qui hurlent ce si fameux "Dégage" sans savoir pourquoi, sans savoir même ce qui se passait ici, ceux qui ne s'intéressent pas vraiment aux problèmes du pays mais qui étaient juste là parce qu'en ce moment c'est "la classe d'aller à une manif, d'y foutre le bordel et de s'en aller." Une bande d'inconscients.
Bon d'accord je l'avoue difficilement (et mon orgueil de tunisienne en prend un coup) mais il y avait quand même une minorité de personnes qui hurlent ce si fameux "Dégage" sans savoir pourquoi, sans savoir même ce qui se passait ici, ceux qui ne s'intéressent pas vraiment aux problèmes du pays mais qui étaient juste là parce qu'en ce moment c'est "la classe d'aller à une manif, d'y foutre le bordel et de s'en aller." Une bande d'inconscients.
Et sans faire mon idéaliste j’ai réellement vu des gens de toutes les classes sociales à ce sit-in, chômeurs, cadres, riches, pauvres exactement comme c’était le cas le 14 Janvier et une véritable solidarité s’est installée entre les manifestants. Petit changement notable, c’est l’existence d’un réel débat entre les citoyens. Il n’y avait pas seulement des cris, de la haine envers le régime (haine justifiée, vous m’excuserez.) mais aussi une envie d’avancer et j’ai eu l’agréable surprise de voir plusieurs groupes de personnes qui débattaient entre eux, parlementaient, opposaient leurs idées et je pense que ce sont ce genre de discussions, cet échange entre les citoyens qui feront avancer notre pays. Il est temps que les gens aient leur mot à dire, car ce n’est pas les 20 membres du gouvernement qui construiront la future Tunisie.
Quand nous avons quitté la Kasbah, nous avons laissé une place bondée, mais je le dis et je le redirais c’était une manifestation pacifique. Alors quelle fut ma surprise quand à peine rentrée on m’annonce que des troubles ont éclatés (notamment a l’avenue Habib Bourguiba) et que les policiers ont lynché, tabassé voir même tiré sur les manifestants. Il est évident que les forces policières n’auraient pas pu s’attaquer aux milliers de personnes de la Kasbah, de peur de voir une population se déchaîner sur eux en retour alors ils ont apparemment choisi les manifestants de l’avenue qui eux étaient largement moins nombreux. Beaucoup de rumeurs circulent sur ces affrontements et on me parle de casseurs qui ont provoqué la police mais je tiens tout de même à souligner le fait qu’en démocratie, on a bien le droit de manifester (Et oui !) et que ce n’est pas avec la violence que Mr Ghannouchi gardera le pouvoir.
Je pense que c’en est fini de cette pseudo « instrumentalisation du peuple », dont ont se servait tous pour ne pas s’avouer la médiocrité de notre gouvernement (Je cite : « Ces gens la ne savent même pas pourquoi ils sont la, ils sont manipulés ! »). Stop, à la théorie du complot car "toutes" les personnes (enfin au moins une bonne partie,j'espère) venues manifester le 25 Février (et les jours d’avant) étaient réellement là pour quelque chose : Un nouveau système, une démocratie que nous bâtirions sur de bonnes bases (c'est-à-dire sans les corrompus du régime, la désinformation des médias, la manipulation des opportunistes [RCD inclus] et tout ce qui va avec.. )
Le monde entier a les yeux rivés sur nous, et attend de voir si ça passe ou si ça casse. Alors à nous de leur prouver que la démocratie n’est pas impossible dans un pays arabe.
Le monde entier a les yeux rivés sur nous, et attend de voir si ça passe ou si ça casse. Alors à nous de leur prouver que la démocratie n’est pas impossible dans un pays arabe.
Admirez :). |
posez vous aussi la question de savoir d'où vient l'énorme quantité de cailloux sur l'avenue Bourguiba ? les policiers ne sont pas des "humains" ? ne sont-ils pas du peuple ? ils doivent aussi tomber sous les jets de pierres pour quelles raisons? vous pensez avoir dit adieu aux manipulations,détrompez-vous je suis enseignante et peux témoigner que des élèves de collège et lycée ont été manipulés pour semer la pagaille et arrêter les cours avec casse violences verbales et physique etc... et par qui me diriez-vous? par certains enseignants qui n'ont d'autres buts que s'approprier les sièges restés vacants et qui manipulent ces jeunes esprits encore immatures. redescendez de votre nuage et réveillez vous la manipulation est encore là! mais elle a changé de camps et maintenant sur plusieurs fronts!!
RépondreSupprimerTrois personnes sont mortes dans de violents affrontements samedi 26 février entre manifestants anti-gouvernement et forces de l'ordre en plein centre de Tunis, a annoncé le ministère de l'intérieur. Selon le communiqué, "3 personnes ont trouvé la mort parmi les douze qui ont été blessées lors de ces heurts et qui ont été transférées dans un hôpital pour y être soignées". L'utilisation du terme "personne" laisse entendre qu'il s'agit de manifestants. "Plusieurs membres des forces de l'ordre ont été blessés à différents degrés", selon le communiqué qui ne précise par leur nombre. D'autre part, "plus de 100 personnes ont été arrêtées ce samedi" et "88 autres auteurs d'actes de vandalisme ont été arrêtés la veille", lors des premiers affrontements entre forces de l'ordre et manifestants survenus vendredi dans le coeur de Tunis." (site du journal Le Monde, en France)
RépondreSupprimerAïe, aïe, trois morts encore.
Le terme de "force de l'ordre" m'énerve de plus en plus y compris lorsqu'il s'applique à nos CRS et gendarmes français, qui se montrent dans les faits être des "forces du désordre".
@Anonyme,
RépondreSupprimerje ne nie pas le fait qu'il n'y ait pas de manipulation de partout, il est clair que tout le monde cherche à profiter de la situation mais les policiers auraient pu trouvé un autre moyen que des coups de feu pour disperser les manifestants.
De plus, rien que le fait que que vous me dites que les élèves se font manipuler par certains professeurs, prouve qu'il y a une prise de conscience et le réveil d'une partie des personnes (vous croyez que l'on aurait dit ou même cru ca il y a deux mois ?) et on voit bien aujourd'hui que les gens ne sont plus aussi dupes qu'avant !
@Romain,
Tout a fait d'accord, la police a souvent tendance à abuser du pouvoir sous prétexte de "faire revenir l'ordre" et je déplore comme beaucoup ce genre de méthodes qui ne font qu'exacerber la haine.
Reste la question au sujet des "casseurs". Sont-t-ils des provocateurs, soit payés par le pouvoir et la police ou par un groupement d'intérêts politiques - Phénomène fréquent et universel - ou bien des jeunes (pseudo-) "anars" en mal d'émotions fortes et de violence, ou encore des jeunes révolutionnaires outrés de la lenteur du processus ?
RépondreSupprimerPeut-être est-ce trop tôt pour le dire.
Merci pour ce message d'espoir par ces temps troubles d'incertitude, d'inquiétude et de suspicion. La longue histoire des peuples et de leurs luttes nous apprend qu'on n'est jamais assez pessimiste, assez sceptique et, en tout cas, assez vigilant. N'empêche qu'il est toujours bon de relever les signes positifs et de s'y accrocher.
RépondreSupprimerLes tunisiens et les tunisiennes sont vraiment très forts : ils réussissent à faire modifer notre propre gouvernement.
RépondreSupprimerOn saura sans doute demain si effectivement l'odieuse MAM est renvoyée ou non mais toute la presse française l'annonce. Son compagnon de ministre POM, Patrick Ollier, agent de communication et de publicité d'un certain guide suprême libyen pourrait partir aussi et on ne regrettera pas non plus.
Je vous remercie du fond du coeur et vous tire donc mon chapeau. Encore un petit effort et vous faites tomber notre roitelet Sarkoko. Je plaisante. Je sais bien que vous avez déjà fort à faire avec les vôtres.
Encore un p'tit lien, oui, d'accord ?
RépondreSupprimerhttp://www.politis.fr/Une-revolution-Nord-Sud,13156.html
Une révolution Nord-Sud par Denis Sieffert.
Trois personnes ont été tuées dans des affrontements entre manifestants et forces de sécurité à Tunis. le ministère de l'Intérieur a déclaré après une deuxième journée de troubles dans la capitale tunisienne. "Trois personnes sont mortes de la douzaine qui ont été blessés lors d'affrontements et ont été transférés à l'hôpital pour un traitement", a indiqué dans un communiqué publié samedi. «Plusieurs membres des forces de sécurité ont été blessés à des degrés différents." Les forces de sécurité avaient tiré des coups de semonce et des gaz lacrymogènes lors de la manifestation anti-gouvernementale, et les manifestants ont réagi en lançant des pierres, selon des journalistes de l'agence de nouvelles AFP. Un fonctionnaire ministère de l'Intérieur, qui a requis l'anonymat, a déclaré à l'agence Reuters que les décès avaient eu lieu après une émeute orchestrée par des partisans de Zine El Abidine Ben Ali, le président déchu. "Ceux qui ont été arrêtés ont avoué qu'ils ont été poussés par d'anciens fonctionnaires de Ben Ali, dit-il. "D'autres ont dit qu'ils ont été payés pour le faire." Le vendredi, des dizaines de milliers de manifestants étaient descendus dans la rue pour réclamer la démission de Mohamed Ghannouchi, premier ministre intérimaire, qui faisait partie du régime de Ben Ali, qui a fui le pays le 14 Janvier. Le ministère de l'Intérieur a déclaré que plus de 100 personnes ont été arrêtées le samedi et que 88 personnes ont été arrêtées vendredi. Il a blâmé les affrontements crées par les «agitateurs» ayant infiltré les manifestations pacifiques. Ils avaient utilisé des étudiants "comme boucliers humains pour mener à bien des actes violents, les incendies visant à semer la terreur parmi la population et en ciblant les forces de sécurité intérieure", indique le communiqué. Ghannouchi a annoncé vendredi que le gouvernement tiendra des élections à la mi-Juillet.
RépondreSupprimerArticle du site d'Al Jazeera en anglais (traduction informatique automatisée : je ne connais ni l'arabe, ni l'anglais).
Quel crédit accorder aux dires de ce fonctionnaire du ministère de l'Intérieur ?
16 heures. Le journal "Le Monde" indique que le premier ministre Gannouchi a annoncé sa démission.
RépondreSupprimerNormallement, il pourra partir en vacances en compagnie de MAM et de POM dès demain.
Le processus continue ...
Je te rappelle que l'etat d'urgence a été décrété et que les manifestations sont interdites. Donc, les tirs de grenades lacrymogènes et les tirs de sommation sont justifiés. Par contre, les violences ne le sont pas.
RépondreSupprimerBonsoir à l'auteur de ce blog, mademoiselle "La jeunesse du jasmin",
RépondreSupprimerJe désirerai répondre au dernier commentaire anonyme mais voilà que je me sens bien gêné pour le faire vu qu'étant français, il ne s'agit pas de "ma" révolution mais bien de la vôtre, à vous tunisiens et tunisiennes; et comme par ailleurs, je me suis permis d'écrire de nombreux commentaires sur votre blog, je ne sais pas si cela est bien indiqué que je reprenne encore une fois la parole dans cet espace qui vous appartient. Je vous laisse donc juge de savoir s'il est importun de passer ce message ou non.
"Je te rappelle que l'état d'urgence a été décrété et que les manifestations sont interdites."
Qui a décrété l'état d'urgence ? Le pouvoir en place qui tout en étant légal n'est pas encore légitime, vu qu'il ne tire pas sa légitimité du peuple, l'unique souverain, étant donné que les élections n'ont pas encore eu lieu.
D'autre part si les mouvements sociaux et politiques attendaient que les manifestions soient autorisées, les choses ne pourraient guère avancer. Martin Luther King n'aurait pas pu organiser le mouvement des droits civiques, Gandhi et Mandella n'auraient pas pu davantage manifester, ce qu'ils ont pourtant fait et avec raison et profit pour leurs sociétés.
Bien, imaginons que les tirs de grenades lacrymogènes et les tirs de sommation soient justifiés, cela peut se discuter mais laissons cela de côté.
"Par contre, les violences ne le sont pas."
De quelles violences s'agit-t-il ici ? De celles de quelques manifestants dont, pour ma part, j'ignore les mobiles et ce qui les ont fait agir ou bien de cette violence qui consiste à blesser quelques dizaines de personnes (j'ai lu 80 personnes) et à tuer trois êtres humains ? De la seconde, on peut clairement dire qu'elle n'est pas justifiée et sur la première on peut s'interroger, c'est vrai.
Les processus révolutionnaires coûtent généralement cher en vies humaines, et c'est bien triste et désolant, mais c'est l'histoire du passé et le présent comme en Libye par exemple qui nous l'apprend. Or c'est parfois ce sang versé du peuple qui le cimente, c'est parfois ce sacrifice qui lui donne sens et qui conduira à une autre situation où il ne sera plus nécessaire de verser le sang pour régler et arbitrer les conflits. Pour renverser Ben Ali, il a fallu environ 400 morts; à la suite de 3 décès, votre Premier Ministre quitte le pouvoir. Je suis sans doute stupidement optimiste mais il me semble bien que vous êtes sur le chemin de la démocratie. Je peux me tromper mais c'est là mon sentiment.
Le point de vue de Moncef Marzouki :
RépondreSupprimerhttp://www.liberation.fr/monde/01012322749-marzouki-c-est-une-revolution-de-la-jeunesse-et-la-voila-conduite-par-un-vieillard-de-84-ans
L'opposant de toujours (qui a lui-même 65 ans).
Qu'en pensez-vous ?
VOUS VITES QUTRES MORTS PARMI LES MANIFESTANTS ANTI GUVERNEMENT ,MOI JE DIS DES FAUTEURS DE TROUBLES DES CASSEURS DES VOYOUX REGARDEZ LES VIDEOS ET COMMENTER VOUS MEME ,JE PENSE PAS QU ILS MERITENT LE STATUT DE MARTYRS ALLER VOIR LA DEFINITION ET JUGER ON
RépondreSupprimermartyr c est mourrir pour une cause est ce qu on peut generaliser aussi pour les casseurs les pilleurs qu on voit ces jours a tunis
RépondreSupprimerBonsoir,
RépondreSupprimerSuite aux deux derniers messages, je vais tenter de mieux m'expliquer. Tout d'abord, je vous prie de me pardonner si je commets des erreurs sur les faits eux-mêmes car je ne dispose pas d'autant d'informations que les tunisiens.
Lorsque j'ai écrit mon message, on parlait alors de trois personnes décédées et je crois savoir qu'il y en a eu cinq en tout. Je n'ai pas assimilé ces personnes avec toutes celles qui sont décédées jusqu'au 14 janvier inclus mais j'ai juste comparé leur poids relatf pour faire ressortir deux choses : 1° - L'affaiblissement du pouvoir ; 2° - Le poids plus grand d'une manifestation de 100.000 personnes, c'est à dire de la parole et de la colère d'une partie du peuple. Je notais donc que depuis le départ du dictateur, on ne mesure plus les choses avec les mêmes unités qu'avant. Une dictature peut se maintenir en faisant 1000 morts ou 10.000, et votre gouvernement dit transitoire a dû réagir et se modifier à la suite de quelques décès, ce qui me semble aller dans le sens de l'espoir et à terme dans celui de la démocratie.
D'autre part, je ne connais pas l'identité de ces cinq personnes par manque d'information de mon côté. Je m'interrogeais même sur leurs mobiles et sur leurs positions politiques : de simples casseurs juste ivres de violence ? des militants que l'on pourrait qualifier de révolutionnaires ? des personnes entraînées dans des violences par des provocateurs (policiers ou autres) ?
Enfin, je n'ai pas employé le mot de martyr et ce n'est pas à moi d'attribuer un statut de martyr à tel ou tel.
déf. : Un martyr (du grec ancien μάρτυς,-υρος martus, « témoin ») est celui qui consent à aller jusqu’à se laisser tuer pour témoigner de sa foi, plutôt que d’abjurer. [...] Polysémie : certains militants utilisent parfois le mot martyr dans un sens différent, celui de « victime » (les martyrs du génocide). [...] Par extension, le mot désigne celui qui est torturé et/ou tué pour une cause ou un idéal.
Ce mot a de plus me semble-t-il un sens un peu différend en Europe et dans le monde arabe où l'Islam a tant d'importance. C'est ce que j'ai cru comprendre. Bien qu'ici, la cause serait la démocratie et donc hors du champ religieux.
En écrivant cette phrase "Or c'est parfois ce sang versé du peuple qui le cimente, c'est parfois ce sacrifice qui lui donne sens", j'étais là dans un registre très général et en quelque sorte d'historien. J'étendais mon propos au delà des évènements de ces derniers jours.
Bien à vous.