samedi 26 février 2011

Les déçus de la Kasbah, PART II

De retour à la Kasbah, 25 Février 2011.

Je risque peut être (sûrement même) de verser dans « le-petit-monde-parfait-des-bisounours » mais la manifestation d’hier comme toutes celles qui ont eu lieu m’a redonnée confiance en l’avenir du pays.
On ne l’a sûrement pas dit assez mais ce sit-in a été totalement pacifique, malgré le nombre élevé de personnes et l’étroitesse du lieu (qui aurait pu imaginer que la Kasbah devienne la nouvelle place Tahrir de la Tunisie ?).  
On m’a dit 100 000 personnes je vous dirais largement plus même car ici 23 ans de dictature et 55 ans d’indépendance nous ont peu habitués aux révolutions, et les gens semblent plutôt adeptes des « migrations pendulaires » ; ils viennent, apportent leur soutien quelques heures et puis s’en vont remplacés par d’autres.
Ce que j’ai vu et entendu mis à part les « Ghannouchi dégage ! » et les chansons révolutionnaires c’est une prise de conscience "générale". Les tunisiens se sont réveillés ! Au revoir les manipulations des mauves, les mensonges perpétués pendant des décennies, les « rebelles » de la Kasbah n’y croient plus. 
Bon d'accord je l'avoue difficilement (et mon orgueil de tunisienne en prend un coup) mais il y avait quand même une minorité de personnes qui hurlent ce si fameux "Dégage" sans savoir pourquoi, sans savoir même ce qui se passait ici, ceux qui ne s'intéressent pas vraiment aux problèmes du pays mais qui étaient juste là parce qu'en ce moment c'est "la classe d'aller à une manif, d'y foutre le bordel et de s'en aller."  Une bande d'inconscients.

Et sans faire mon idéaliste j’ai réellement vu des gens de toutes les classes sociales à ce sit-in, chômeurs, cadres, riches, pauvres exactement comme c’était le cas le 14 Janvier et une véritable solidarité s’est installée entre les manifestants. Petit changement notable, c’est l’existence d’un réel débat entre les citoyens. Il n’y avait pas seulement des cris, de la haine envers le régime (haine justifiée, vous m’excuserez.) mais aussi une envie d’avancer et j’ai eu l’agréable surprise de voir plusieurs groupes de personnes qui débattaient entre eux, parlementaient, opposaient leurs idées et je pense que ce sont ce genre de discussions, cet échange entre les citoyens qui feront avancer notre pays. Il est temps que les gens aient leur mot à dire, car ce n’est pas les 20 membres du gouvernement qui construiront la future Tunisie.

Quand nous avons quitté la Kasbah, nous avons laissé une place bondée, mais je le dis et je le redirais c’était une manifestation pacifique. Alors quelle fut ma surprise quand à peine rentrée on m’annonce que des troubles ont éclatés (notamment a l’avenue Habib Bourguiba) et que les policiers ont lynché, tabassé voir même tiré sur les manifestants. Il est évident que les forces policières n’auraient pas pu s’attaquer aux milliers de personnes de la Kasbah, de peur de voir une population se déchaîner sur eux en retour alors ils ont apparemment choisi les manifestants de l’avenue qui eux étaient largement moins nombreux. Beaucoup de rumeurs circulent sur ces affrontements et on me parle de casseurs qui ont provoqué la police mais je tiens tout de même à souligner le fait qu’en démocratie, on a bien le droit de manifester (Et oui !) et que ce n’est pas avec la violence que Mr Ghannouchi gardera le pouvoir.

Je pense que c’en est fini de cette pseudo « instrumentalisation du peuple », dont ont se servait tous pour ne pas s’avouer la médiocrité de notre gouvernement (Je cite : « Ces gens la ne savent même pas pourquoi ils sont la, ils sont manipulés ! »). Stop, à la théorie du complot car "toutes" les personnes (enfin au moins une bonne partie,j'espère) venues manifester le 25 Février (et les jours d’avant) étaient réellement là pour quelque chose : Un nouveau système, une démocratie que nous bâtirions sur de bonnes bases (c'est-à-dire sans les corrompus du régime, la désinformation des médias, la manipulation des opportunistes [RCD inclus] et tout ce qui va avec.. )
Le monde entier a les yeux rivés sur nous, et attend de voir si ça passe ou si ça casse. Alors à nous de leur prouver que la démocratie n’est pas impossible dans un pays arabe.

Admirez :).

A chacun son trône.

La Tunisie est une société patriarcale où l’ombre de l’ancêtre mâle pèse encore sur la conscience familiale. Le respect généalogique du à l’arrière-arrière-arrière-arrière grand-père et le rôle centrale et autoritaire de la figure paternelle au sein de la famille montre bien dans quelle logique symbolique s’inscrivent la plupart des tunisiens pour se constituer et préserver leurs repères quotidiens. Le modèle familial a évidemment ses incidences au niveau macrosociologique quand à notre approche des collectivités, et ce sont ici les notions d’Etat et de nation qui sont à remettre en cause.

Les 100 000 tunisiens partis manifester devant la Kasbah et sur l’Avenue Habib Bourguiba hier (plus grande manifestation depuis le 14 janvier) sont sur la voie de la guérison. Eux, ils ont compris. Oui, la Tunisie ne veut plus de « père » de la nation. Et tant qu’un régime présidentiel subsistera, il y aura toujours un risque que la logique affective et idéologique reprenne le dessus, et que l’on en soit à glorifier et idéaliser ce personnage à la tête de la nation : « bouna lkol ».

- Les manifestants ne veulent pas que le départ de Ghannouchi pour toutes les raisons qu’on connaît (lenteur de l’action, appareil policier toujours corrompu, communication quasi-inexistante…) mais également la création d’une assemblé constituante et certains prônent même un régime parlementaire.

- C’est le début du transfert. De l’admiration du « père » , on passe à celle des « enfants ». Du supposé leader , au peuple. Le peuple devient son propre repère et reprend son titre de nation.

- En récupérant sa légitimité politique, le peuple fait plus que devenir souverain, il est en train de casser un modèle idéologique qui persiste et qui fut à son apogée sous l’ère Bourguiba. Nous vivons bel et bien une révolution, sous tous les plans.

- Lorsque les derniers bastions de l’islamisme seront éliminés et que la verve réactionnaire tendra vers le progressisme, et que la génération de jeunes révolutionnaires sera celle au pouvoir et à la base du fonctionnement du pays, alors là la révolution sera à son triomphe le plus complet.

Pour l’instant, tout ce qu’on peut dire, c’est Ghannouchi dégage.

(Souvenir de ZABA-papa-du-peuple ;)

mardi 22 février 2011

Libye : le pétrole contre le sang ?



Les âneries de Kadhafi ont fait rire l'opinion internationale pendant près de 40 ans, mais là on rit jaune. Comment expliquer l'absurdité du contraste entre le discours du colonel et les massacres perpétrés dans les rues ?
Et pendant que les libyens tombent sous les bombes de leur propre armée, se font massacrer par leur propre dirigeant, la communauté internationale observe silencieusement ce génocide.
Et son plus grand désespoir, sa plus grande et plus majeure inquiétude consiste en la hausse du cours du pétrole et des futurs clandestins qui -Oh misère- risquent de débarquer dans les terres bénies de cette triste, très triste Europe qui par son comportement fait aujourd'hui honte à ses propres habitants.
Kadhafi se dit "le chef de la révolution", prétend que les manifestants doivent être "condamnés à mort", que la Libye est à la tête de l'Afrique, de l'Asie et de l'Amérique latine. Chavez aussi doit rire jaune.
Mais Kadhafi, l'Ubu Roi du 21e siècle croit peut être qu'en massacrant son peuple, il fera taire la révolte ? Eh bien, il n'a donc rien compris et rien appris de la chute de ses voisins-amis Ben Ali et Moubarak.
Plus les peuples sont réprimés, plus ils se soulèveront contre le tyran. Et plus il y aura de mort, plus les gens seront remontés et plus le désir de mettre fin à l’oppression sera fort. 

Et aujourd'hui  mis à part bien sur (et comme toujours) les soi-disants non-alignés (dont la parole sert plutôt leurs intérêts économiques que la "noblesse" de leur idéologie), l'ONU (qui regarde littéralement les mouches voler) et Mme Ashton chef de la diplomatie européenne qui appelle tous les Libyens «à la retenue», plus personne ne suit Kadhafi.
Les hauts dirigeants libyens eux-mêmes soumis presque avec joie depuis 40 ans, démissionnent l'un après l'autre (Diplomates, ministres, militaires), les chefs religieux crient vengeance et le peuple pourtant en adoration devant leur dieu sauveur K. brave le danger, les balles pour hurler son dégoût devant cet assassin que tout le monde accueillait bras ouverts.

Peut-être qu'un peu d'ingérence, au lieu de discussions à huis-clos et de communiqués "très inquiets" arriveront à sauver quelques vies in extremis. Il y a un moment où l'on doit abandonner la realpolitik pour agir, au nom de l'intégrité de la race humaine.
On a que trop laissé faire tous ces dictatures sous prétexte qu'elles étaient le rempart contre l'islamisme, un islamisme qui existe bien mais qui a été exagéré,enflé par les puissances du Nord pour justifier leur soutien à ces tyrans. Ben Laden n'a jamais représenté la majorité du peuple arabe alors il est temps que ces puissances se réveillent et daignent écouter la colère des peuples arabes.

Une vie humaine vaut-elle donc moins qu'un baril de pétrole ? Dans le capitalisme outrancier de ce monde apparemment si.

lundi 21 février 2011

Les déçus de la Kasbah.

Je fais mon mea culpa.
Je l’avoue je faisais partie de ces tunisiens qui avaient confiance en Ghannouchi, ceux qui trouvaient qu’il fallait que ce soit lui qui dirige le pays en attendant les élections, qui trouvaient que le dernier remaniement était absolument « parfait ».
Je faisais aussi misérablement partie de ceux qui dénigraient les gens de la... Kasba et avec mon orgueil d’élite intellectuelle je disais aux autres « Ils ne comprennent rien, ils en demandent toujours plus, ils ne savent même pas ce que ça veut dire la démocratie. »
Misérable et naïve, voila ce que j’étais. Je croyais que Ben Ali et les Trabelsi étaient l’unique cause de tous les maux du peuple, que le système qui était derrière lui était composé de politiciens intègres qui comme nous tous avaient subi la pression du l’ex-président.
Je croyais en Ghannouchi dur comme fer et quand quelqu’un me osait me secouer et tenter de me réveiller de mon sommeil je lui disais insolemment « Qui veux-tu mettre à sa place ? »
Encore une autre erreur. Je n’avais pas compris que le dictateur était tombé mais pas la dictature.

Le gouvernement transitoire me donnait de l’espoir.
J’ai attendu, attendu qu’ils arrêtent les ministres, les politiciens, les hommes d’affaires corrompus mais ils ne l’ont pas fait.
Ils en ont arrêté trois, peut être quatre, qu’ils ont jeté en pâture à l’opinion publique pour montrer qu’ils faisaient leur travail, alors que la majorité de ces hommes enrichis avec l’argent du peuple, notre argent, sont encore tranquillement dans leurs maisons de je-ne-sais-combien-de-milliards à rigoler de notre naïveté.
Pourquoi certaines familles, pourtant mouillées jusqu'au cou dans des affaires louches, ont gardé toutes leurs entreprises ? Pourquoi sont-elles encore ici, protégées par l’Etat ?
Pourquoi les dirigeants de l’ancien régime, ces hommes qui ont leurs mains tâchées du sang de 250 morts sont-ils encore libres ?
J’ai aussi attendu, que l’Assemblée soit dissoute, que le RCD soit dissous et j’attends toujours.
Pourquoi les membres du RCD font-ils encore des réunions ?
Pourquoi les différents présidents de la BCT qui ont dévalué le dinar, imprimé de la monnaie pour la tribu Ben Ali (dont ils ont bien profité aussi) n’ont pas été jugé ?
Ou est donc passé ce fameux mandat d’arrêt international ?
Vous me direz peut être qu’il est encore tôt, que le gouvernement ne peut pas tout faire en même temps mais dites moi qu’a-t-il fait ?
Pourquoi les PDG des grandes entreprises de l’Etat n’ont pas été changés alors qu’ils n’ont cessé de détourner les profits a leur faveur ?
Ce gouvernement avait trois missions : sécurité, élections, justice. Et la seule chose qui semble occuper nos dirigeants semble être de détruire les preuves de corruption, et bafouer notre dignité en léchant les bottes de la France comme si nous étions encore qu’une colonie !
Pourquoi Ghannouchi s’obstine t-il a nommer des membres du RCD aux postes de ministres, gouverneurs ?
Notre 1er ministre a aujourd’hui pris tous les pouvoirs, peut aujourd’hui décréter les lois que bon lui semble sans que personne ne puisse s’y opposer. C’est donc ça la démocratie qu’il nous avait promise ?
Pourquoi la censure est-elle en train de revenir petit à petit ? Ou est donc passée cette fameuse liberté d’expression ? Les chaînes de télévision ne montrent plus rien, plus de manifestations d’opposition à ce gouvernement, plus de contestataires du régime, seulement de pâles vieillards qui hochent la tête devant les annonces du gouvernement, les bijoux, et le 1/100 de l’argent que la famille Ben Ali n’a pas eu le temps d’emporter pour bien montrer que oui, ils ont bien récupères l’argent. C’est pour ça que Halima Ben Ali fait du shopping à Jeddah alors ?

Je déteste ces comparaisons mais pourquoi en Égypte les ministres, les hommes d'affaires corrompus sont-ils déjà tous en prison alors que Moubarak n'ait parti que depuis 9 jours ? Pourquoi, eux, ont-ils suspendu la Constitution et dissous le Parlement et nous non ?
Pourquoi en Égypte ont-ils crée une Assemblée pour les jeunes afin que ces derniers soit entendus alors que nous la jeunesse tunisienne,  qui représentons la moitié du peuple tunisien doit-on encore crier dans les rues pour qu'on daigne nous écouter ?

A toutes mes questions on me répondra sûrement « Qui tu veux mettre a sa place ? Tu veux qu’il y ait un vide politique dans le pays ? ». Mais aujourd’hui je défie n’importe qui de ne pas trouver dans les 10 millions d’âmes de la Tunisie des personnes jeunes, compétentes et surtout intègres.
On me répondra aussi « Attends, attends » mais je ne veux plus attendre, je n’ai fait qu’attendre toute ma vie. Pendant 23 ans, les tunisiens ont attendu, mais maintenant c’est terminé. Cette révolution ne s’achèvera que quand des mains propres, des hommes patriotes en qui l’ont peut avoir confiance dirigeront le pays. Et a ce moment la, oui on pourra retourner au travail, pour rebâtir à partir de nouvelles bases, notre Tunisie.


En attendant je suis allée suivre les gens courageux, ceux que ne sont pas tus et je suis repartie à La Kasba, et comme les milliers de personnes qui y étaient j’ai hurlé « Ghannouchi dégage ! » et ça j’en suis fière.

vendredi 18 février 2011

UTOPIA.


Au cœur d’un évènement aussi important que celui qui se déroule en ce moment dans le monde arabe, il est difficile de prendre du recul, aussi bien historique, philosophique qu’idéologique. Et c’est compréhensible car il est essentiel de parer au plus urgent et au plus technique : des élections libres, une économie stable, une sécurité retrouvée.
Mais voilà, c’est un blog et nous avons retrouvé notre liberté d’expression. Alors, pourquoi ne pas voir plus loin ou même, osons, rêver à, non seulement une Tunisie meilleure, mais également à un monde meilleur. C’est légal, n’est-ce pas ? C’est même essentiel, il me semble. Osons avoir une vision d’avenir, dans un monde où les individus ont perdu toute utopie. Il arrive effectivement que les utopies soient dangereuses, quand imposées. L’homme est loin d’être parfait. Celui qui affirmerait respecter toutes ses connaissances serait un menteur, envers les autres, ou envers lui-même. Oui, au jour d’aujourd’hui une démocratie telle que nous la voyons est la meilleure solution pour la Tunisie, la plus juste et la plus pragmatique.
La question première est celle-ci : est-on vraiment satisfaits de nos vies et notre monde ? La réponse est non, cent fois non. Moralement, il est impossible d’être heureux en voyant un pauvre hère sans chaussures en hiver pendant qu’un autre, humain comme lui, son frère alors, amasse plus d’argent qu’il n’en aura jamais besoin et collectionne des voitures de courses, en profitant pour polluer un peu plus notre chère planète. Le capitalisme est un modèle confortable, car il se base sur les mauvais penchants de l’homme : l’appât du gain, le désir d’amasser, l’égoïsme. En plus, il lui assure qu’il fait tout ça pour le bien commun. Autant pour une déculpabilisation efficace. Pourtant, peux-tu accepter de voir des hommes, comme toi, crever de faim au fond de l’Afrique ou de l’Inde ? Suis-je la seule à me sentir impuissante et nauséeuse ? Aujourd’hui, avec aux moyens de communication, l’ignorance n’est plus une excuse. Nous fermons les yeux et nous le savons, en trouvant un tas de prétextes, en se croyant incapable en tant qu’individuels et en désespérant de la nature humaine. L’histoire nous a forcée à croire que l’on n’allait que vers le pire, que l’homme était irrécupérable, un être avide et mesquin, extrémiste pour se donner de l’importance.
Pourtant la Révolution tunisienne a rappelé, sinon prouvé, que le monde tel que nous le connaissons n’est pas immuable, et que la jeunesse se doit de refuser de tout cœur cette fatalité qu’on cherche à lui inculquer et qui est dans l’intérêt d’une minorité. Le monde peut changer pour le meilleur. Une Révolution arabe ne signifie plus la victoire de l’islamisme. La jeunesse peut faire fuir un dictateur de 23 ans.
Alors, osons rêver comme d’autres avant nous de la fin des Nations, du racisme, des préjugés, des tonnes d’ordure dans la mer, de l’aliénation, de l’esclavagisme, de la faim, de la soif, de la guerre, des massacres.
Pourquoi pas un monde solidaire et fraternel, libéré des diktats d’un capitalisme odieux ? Pourquoi pas un monde sans Nation mais qui accepterait les différences de chacun, un monde en paix ?
Je ne sais pas pour vous, mais j’aimerais voir un monde comme celui-ci. 

N’ayons plus peur, nous avons vu que nous étions capables de beaucoup. Le monde est un éternel combat. Alors, peut-être ces changements prendront du temps ou même ne sont qu’un joli rêve. Mais nous ne devons plus jamais dire que c’est impossible. Nous ne devons plus nous trouver des excuses. Nous ne devons plus accepter le pire parce que « c’est comme ça ». En tant que personnes conscientes, nous devons affirmer que nous pouvons entraîner le monde vers le meilleur, sans penser en premier à l’échec ou à la bêtise de notre voisin. Osons rêver le monde. N'ayons plus honte.
 



Mai 68 !


dimanche 13 février 2011

Dieu et ses poteaux



Pendant que certains réclament à corps et à cri salaire, titularisation et que d'autres profitent du climat actuel pour construire leur maison sur des terrains qui ne sont pas à leur nom, d'autres font leur grand come-back sur la scène tunisienne. Les barbus sont de retour et déjà leurs voix s'élèvent déjà pour rétablir un califat islamique, dont autoriser la polygamie. Ils proposent aussi des solutions aux problèmes qu'affrontent la société: faire porter le foulard aux femmes afin de leur éviter le harcèlement dans les rues (mais qui est le coupable, vraiment ?), remettre les femmes au foyer pour faire baisser le chômage, la délinquance juvénile et j'en passe. 

J'en rirais bien mais le cœur n'y est pas, quand je pense que le monde entier va de l'avant, se détache du divin, s'approprie sa vie en son nom, et que chez nous subsistent d'irréductibles bornés qui n'ont toujours pas compris qu'une femme est libre de faire ce que bon lui semble sans que l'homme n'ait à lui imposer quoi que ce soit, qui pensent encore et toujours que la religion est la solution à tous les problèmes par simple paresse intellectuelle.
Pourquoi avons nous si souvent droit à ces réflexions grotesques selon lesquelles une femme qui se fait aborder dans la rue l'a cherché et que c'est à elle de s'adapter à l'incivisme en se couvrant ? C’est prendre l’agresseur pour la victime, et c’est parfaitement ridicule. Pareil pour la cigarette: Pourquoi serait-il mal vu pour une femme de fumer dans la rue ? En quoi cela dérange t-il les mœurs ?
 Ce que les réactionnaires doivent comprendre, c'est qu'il est aujourd'hui irréaliste d'imposer à notre pays la loi islamique, pour des raisons multiples et variées, la principale étant que la loi ne peut être forgée par Dieu, la loi est faite par les Hommes pour les Hommes. Une loi issue de Dieu ne sera jamais légitime pour ceux qui croient en un autre Dieu ou ceux qui ne croient en rien ou encore même les musulmans qui pensent que Dieu, être transcendant, ne peut pas être mêlé aux affaires dénuées d'intérêts des hommes.

De nombreuses personnes réclament la séparation du religieux et de l'état. Partageant parfaitement cette vue, il faut tout de même être réaliste et voir que les pro-laïcité sont minoritaires: Oui, les auteurs de ce blog ne sont pas religieux et ne suivent pas les principes du Coran, mais nous respectons toute religion, aussi longtemps que les pratiquants nous respecteront et ne tenteront pas de nous imposer quoi que ce soit.
Les tunisiens sont attachés aux traditions et ce n'est pas la récente bigoterie qui s'est abattue sur la Société qui nous le démentira. Aussi, faudrait-il, à défaut de laïcité, encouragé la tolérance: Que ceux qui veulent porter le voile ou la barbe soient libres de le faire, mais aussi que ceux qui veulent boire et s’embrasser dans la rue en paix le fassent aussi, dans une liberté et un respect mutuel. Pour cela, il faudrait que la société tunisienne se débarrasse de cette manie ancestrale de se comporter comme une grande famille dans laquelle chacun a pour devoir de remettre les brebis galeuses sur le droit chemin. Ce conformisme et ce manque de diversité, ressenti par de plus en plus de monde laisse l'amère impression de ne pas être chez soi dans son propre pays.

Je suis intimement convaincue que le statut futur de la femme dépendra de sa capacité à défendre ses droits les plus fondamentaux, il serait quand même intolérable que cette révolution réclamant la liberté se traduise par une remise en cause aussi éhontée de la liberté des femmes au nom d'un pseudo retour aux sources religieux. C'est pourquoi, il est plus qu'urgent que toutes les femmes ne minimisent pas la menace: L'Iran et L'Afghanistan étaient des pays où les femmes étaient éduquées et libres avant qu'elles ne sombrent dans un si profond merdier. J'exagère, je le sais bien. Mais mieux vaut prévenir que guérir, c'est pourquoi j'exhorte tout ceux qui se veulent libres dans leur pays tout en vivant comme il leur semble bon de vivre à faire exploser les tabous et à choquer, car s'il est quasi impossible que notre société respecte le junkie et la putain, au moins devra t-elle les accepter, et ne pas chercher à les corriger, et cela ne sera possible que si nous sortons de la clandestinité qui nous à tant fait défaut. Oui, ça sera long, harassant mais si ça nous permettra un jour de vivre en Tunisie dans la liberté la plus complète, de vivre en Tunisie sans avoir à penser aux regards des autres, de vivre en Tunisie comme n'importe quel tunisien alors oui, ça vaudra le coup.

samedi 5 février 2011

Meeting du FDLT ou la blague du jour !


Aujourd'hui meeting du Forum Démocratique pour le Travail et des Libertés au Palais des Congrès à Tunis-Centre. Arrivés au parking: garnison de Mercedes, BMW et autres 4L dans le genre. Bling bling.
A l'entrée de la salle,concentration de bobos tunisiens, BCBG, femmes au cabas ample et élégant, hommes en vestes tweed et bérets en velours côtelé. Notre choc visuel numéro 2 fut de remarquer que la foule était assortie à la moquette: la salle était une contraste de crème-beige-marron-vert emeraude. Noblesse.
Le meeting du FDLT, un rassemblement de médecins et de leurs épouses, venus soutenir leur collègue dans son périple politique. Ce n'est pas vraiment le discours de Mustapha Ben Jaafer, qui était assez cohérent, qu'il faudrait remettre en cause. C'est un parti naissant et il a besoin de se constituer une base de sympathisants et de militants. Mais ce n'est malheureusement pas dans cette ambiance élitiste qu'ils attireront des masses. Jaafer glissa au détour d'une phrase que le RCD était fini, bel et bien fini : incitation subtile à faire un transfert au FDLT au détriment du parti spolié . Retournez vos vestes, les amis ! 
En plein milieu du discours, 3 détracteurs louches ont commencé à scander "PDP et Ettajdid ont ruiné la révolution !" Un peu trop partisans pour être partisans ceux-là. Surtout que l'abandon de Jaafer de son poste au sein du gouvernement d'union était une manoeuvre purement politique pour qu'on ne l'associe pas au RCD, Ahmed Ibrahim et Najib Chebbi ayant consentis à accomplir un devoir national.
Bref, on était bien au chaud sur la moquette et on s'attendait même à ce qu'on nous propose des canapés. Jaafer faisait son éloge à la démocratie et une bourgeoise déterminé hochait la tête en signe d'acquiescement, le poing levé. Et lorsque Jaafer mentionna le fait qu'une rue Bouazizi allait peut-être être crée à Paris, un homme en costard lança à la dame "Oui, mais ça ne sera pas au 16ème arrondissement malheureusement, hein." Et là, elle nous paru...un peu moins déterminé, on va dire. Tout ça pour dire que si l'on exclu les quelques centaines d'observateurs venu assister à ce gala mondain, le noyau de FDLT doit être consisté au maximum de 10 personnes. 
- Si ces gens intègrent ce parti, ils vont militer pour quoi au juste ?
- La déflation des sacs Burberry.
Très certainement, oui.


Nostalgie des Beldies.

vendredi 4 février 2011

La liberté est-elle contagieuse ?

14 Janvier 2011 date gravé dans toutes les mémoires tunisiennes (et pour une fois que ce n’est pas les dates du derby ;) jour où la rue et la rue seule a fait tomber le dictateur Ben Ali et 23 ans de répression sourde.
La Tunisie, petit pays d’Afrique du Nord littéralement étouffé entre les puissances du Maghreb et uniquement reconnu par l’opinion internationale comme une jolie carte postale représentant les plages d’Hammamet.
Et pourtant c’est le peuple tunisien docile et inoffensif, que les puissances arabes (qui elles ont connu les guerres, intifada, guerres saintes et autres joies de l’existence humaine) regardaient de haut, qui s’est levé contre son gouvernement, contre son despote et que même  les coups de feu, les milices et les promesses éternelles et tellement convaincantes de sa Majesté Le Mauve n’ont pas ébranlés. Moins d’un mois après le geste de Bouazizi, la rue à fait tomber le système Ben Ali qui a fui en bonne et due forme (c'est-à-dire tel à un rat).

Et la tous les peuples arabes réprimes depuis décennies, l’échine courbé devant leurs dictateurs se sont subitement rendus compte qu’ils avaient le choix, qu’ils pouvaient eux aussi faire basculer leur destin et devenir enfin souverains de leur pays. Alors si la Tunisie était le Berlin de la fin de la guerre froide? 1989 qui avait vu naître le printemps des peuples faisant tomber toutes les dictatures obsolètes de l’Europe Orientale alors 2011 amorcera t-il un printemps arabe ou les autocraties vieillissantes tombera comme des dominos ?

L’Egypte montre déjà les signes flagrants de la fin de 30 ans de règne d’un Moubarak qui n’a pas su voir le désespoir de ses sujets. Depuis 9 jours malgré tous les égyptiens tombés sous les coups, malgré toutes les réformes, remaniements, et menaces d’un président s’accrochant désespérément au pouvoir, la rue égyptienne ne décolère pas et réclame d’un mot devenu symbole du peuple arabe « Moubarak dégage ! ».

Et c’est ainsi l’effet domino. La Tunisie de Ben Ali est tombée, si l’Egypte de Moubarak succombe alors un autre régime corrompu chutera et ainsi de suite jusqu'à que le monde arabe soit enfin libéré de ces tyrans. Et ces despotes qu’il soient Bouteflika, Mohammed 6, Ali Abdullah Saleh ou Abdallah de Jordanie ne pourront rien y changer. 
L’histoire est passée de l’autre coté de la frontière.

Mais plus encore, la donne internationale pourrait enfin changer après la domination d’un Occident qui dure depuis la nuit des temps, le 21e siècle annoncera peut être et surtout enfin la véritable indépendances des colonies.
Et peut être même (rêvons, rêvons) que le monde arabe enfin uni, et fier pourra s’imposer sur la scène mondiale et choisir sa politique, son chemin sans qu’il nous soit dicté par d’autres.

En attendant il vaut mieux prévenir ZABA et lui demander de préparer de la place à Jeddah pour le prochain.


Copyright : Z (Débat Tunisie)

mercredi 2 février 2011

De la naissance d'une vie politique dans un pays.



Le samedi 29 janvier, évènement quasiment historique, notre premier meeting politique en Tunisie. Nous avons pris nos cliques, nos claques et nos clopes pour assister au Meeting organisé par le PDP ( Parti Démocratique Progressiste ) à la Coupole de Menzah. Voici donc un petit compte rendu agrémenté des indispensables critiques qui vont avec :

Arrivée vers 13h45 en plein milieu d'un concert de rap, premier choc visuel du jaune et des drapeaux tunisiens partout, on se croirait à Bab Souika quand l'Espérance gagne. Il est compréhensible que les parties aient leurs couleurs mais il ne faut pas qu'on nous la fasse manger comme une sorte de message subliminal violent. Il y avait en bas six ou sept personnes qui ont passé tout le meeting à faire virevolter des drapeaux jaunes avec des drapeaux tunisiens, ça faisait très PomPom Girl, à la fois ridicule, inutile et réveillant des souvenirs douloureux du RCD. Il y avait aussi un monsieur en bas, qui avait un agissement des plus étranges: il envoyé des signaux à certaines personnes dans la foule pour les faire chanter et applaudir, ce qui peut nous amener à penser que des gens étaient placés pour exciter la foule, dont le monsieur derrière nous.
Les rappeurs chantaient à la mémoire des martyrs.

Puis, est arrivé El Général, le rappeur qui s'était fait emprisonné après la diffusion de sa chanson sur Ben Ali. Il a chanté quelques chansons dont une, qui a particulièrement attiré notre attention, son refrain n'étant rien d'autre que « Allahou Akbar ». Ça a refroidi pas mal de gens, qu'ils soient croyants ou laïcs: D'un côté on utilise la religion dans le rap ce qui n'est pas respectueux de la religion, et ça avait (mais c'est un avis personnel) quelque chose de vengeur. On a aussi accroché une bannière jaune sur l'artiste, comme si on voulait l'associer au parti, alors qu'on aurait très bien pu lui accrocher le drapeau tunisien.

Ensuite, Maya Jribi, présidente du PDP a pris la parole: Elle a rendu un long hommage aux martyrs, aux jeunes, au peuple, le complimentant sur son héroïsme et sa bravoure. Ceci est bien sûr normal, mais il ne faut pas que nous oublions que nous nous sommes tut 23 années durant, acceptant l'inacceptable dans le silence. Il ne faut pas que les gens croient qu'avec cette révolution, les gens oublient leur mutisme. Car oublier le mutisme, c'est lui donner une chance de revenir sous une autre forme. Madame Jribi est assez charismatique, elle a énuméré beaucoup d'injustices et a beaucoup insisté sur le rôle de nos régions déshérités dans cette révolution. Elle a demandé aux gens de voter afin que le choix soit vraiment représentatif du l'opinion du peuple.

Puis est venu le tour de Monsieur Néjib Chébbi, qui a commencé son allocution en nous annonçant que le régime Moubarak n'en avait plus que pour quelques heures et que la mère de Mohamed Bouazizi avait effectué le déplacement. Il a ensuite expliqué la présence de son parti au sein du gouvernement qu'il a longuement défendu: Il a énuméré les mesures prises par ce gouvernement en moins d'un vingtaine de jours: Libération des prisonniers politiques; obtention par certains parties de l'autorisation d'exister, liberté des médias, déblocage d'un demi milliard de dinars pour venir en aide aux personnes victimes de la violence qui a ébranlé notre pays ces dernières semaines. Et il a aussi annoncé la mise en place de 7 (AAAH !) projets de développement dans les régions du Sud, mais il n'a pas précisé dans quel secteurs. Il a enfin demandé au peuple de jouer son rôle d'observateur et de juge, afin de maintenir la pression sur le gouvernement.
Il n'a pas du tout parler de son parti ou de son programme électoral, ce qui montre que pour le moment les élections ne sont pas la priorité absolue.

Enfin, la parole a été donnée à la mère de Mohammed Bouazizi, mais à part les gens se sont mis à hurler et on a pas entendu grand chose. Elle a dit que les gens de Sidi Bouzid étaient des tunisiens comme les autres et qu'il fallait leur donner la même chance que celle qu'on offre au tunisois, aux sfaxiens ou autres, c'est à dire un lieu de vie digne ou l'emploi est accessible.

Dernier point à discuter: Les réflexes très ancien régime qui persistent, beaucoup de gens applaudissent à chaque fin de phrase, comme chez les mauves. Si nous voulons que cette démocratie se fasse, il faudra deux choses: Savoir écouter et savoir prendre du recul et critiquer, ne pas tout avaler cru et être capable de relever des faiblesses.
Il serait aussi bien que l'effort soit fait du coté des partis et qu'ils arrêtent d'utiliser les méthodes manipulatrices du RCD (la couleur, les Pom-pom girls, l'exaltation des martyrs en ramenant même des parents des jeunes tués ce qui est à notre gout très malsain.)
Le PDP à en somme était un peu décevant dans la forme car l'utilisation des techniques des mauves montre encore qu'il était dans la manipulation sans avoir compris que le tunisien n'est plus dupe (après 23 ans de propagande plus rien ne nous échappe !) et surtout que le tunisien veut des changements, des reformes, du concret quoi.
Nous peuple tunisien libre et souverain, ne pouvons accepter les tentatives de manipulation de la presse et désirons nous exprimer librement. Internet a été notre allié pendant la Révolution et le sera à l'aube de la démocratie. La jeunesse a un rôle déterminant dans la transition vers la démocratie et tient à montrer son attachement au dialogue et au débat.

Ce blog a comme vocation de profiter de notre liberté de parole fraîchement et chèrement acquise. Nous ne nous tairons pas, nous n’oublierons pas les sacrifiés pour que nous puissions redevenir des individus dignes. La période est charnière, il est nécessaire que le débat soit ouvert et actif. Nous voulons montrer que la jeunesse tunisienne peut être idéaliste mais réaliste, qu’elle veut chercher des vraies solutions et qu’elle a un vrai intérêt pour l’avenir de son pays.


Ce blog est un lieu d'échange démocratique et tolérant.