À une semaine d'élections historiques en Tunisie, le pays est plongé dans une profonde méditation à haute teneur métaphysique « Est-ce que voir Dieu à la télé insulte Dieu ? ». En effet, depuis une longue semaine, Persepolis remue ciel et terre ( Jeu de mot de l'année) alors que notre futur constitution, celle qui définira notre vie politique pour les prochaines décennies est passé à la catégorie « Sujet de second ordre». Mais il faut avouer que cette polémique qui semble aux premiers abords vaine et totalement disproportionnée aura eu le mérite de clarifier les positions de chacun et de montrer à quel point le pays peut facilement se diviser sur des questions religieuses. Il y a ceux qui considèrent que Persepolis est un film blasphématoire, poussant à l'athéisme, et furieusement insultant parce qu'on y voit un barbu dans le ciel, barbu qui symbolise Dieu. Il y a ceux qui trouve que c'est un film insultant mais qui en veulent surtout à Nessma de l'avoir diffuser juste avant les élections pour semer le trouble dans le pays. Et il y a ceux qui défendent la liberté d'expression, la liberté de créer et de blasphémer. Le phénomène touche ainsi une immense partie de la population.
Les premiers sont irrécupérables, aveuglés par une foi assez malsaine en un Dieu prônant la paix, ils cherchent par tous les moyens à défendre ce Dieu comme si celui-ci avait besoin de quelques gardes du corps, censé le protéger des vilains mécréants ( qu'il a lui-même créer, après tout). Ils insistent également sur l'identité arabo-musulmane de notre pays et affirment vouloir sauver la société tunisienne de la débauche et des « Kofar » (athées). Et nous arrivons là à un point essentiel déjà évoqué sur ce blog : le paternalisme ancré dans nos gènes. La dictature partie, voilà que de nouveaux arrivants souhaitent prendre notre vie et notre éducation en charge, comme si la notion de liberté était simplement un mot qu'il faut gentillement contourner pour revenir à la bonne vieille autorité. Protéger les jeunes de la pornographie, protéger la société des dangereux athées sionistes qui veulent mettre à mort la religion musulmane, voilà la nouvelle menace, celle d'un état castrateur sous couvert de moralité, au mépris de toute liberté.
Les seconds n'ont pas tout à fait tort, mais sont souvent doués d'une logique frôlant l'absurde. Bon nombre d'entre eux ont compris que la manœuvre de Nessma n'est pas tout à fait anodine, en effet, diffuser Persepolis, deux semaines avant les élections et traduit en arabe dialectal, était une façon des plus claires de montrer aux gens ce qu'ils risquaient en votant Ennahdha. Mais cette catégorie de gens, dont une partie est descendue dans les rues ce vendredi, en veut surtout à Nessma pour avoir foutu le trouble en diffusant le film. Le trouble n'est pas dans le film, mais dans les réactions disproportionnées qu'il a suscité. Cet argument tombe d'ailleurs à l'eau quand on sait que Persepolis a été diffusé aux JCC sans suscité le moindre problème, et aussi quand on sait qu'une chaine comme Hannibal (qui devrait être fermée pour excès de populisme) a montré des gens au cabaret buvant du whisky dans un feuilleton ramadanesque sans que qui que ce soit ne proteste. Il n'y a aucune logique à tout cela.
Quelques remarques pour finir, beaucoup de manifestants évoquent le respect du aux opinions de la majorité, rappelons-leur qu'une vraie démocratie se distingue par l'attention qu'elle porte à ses minorités et non le contraire. Ce n'est pas parce que les athées, laïcs, koffar, juifs, chrétiens sont minoritaires qu'ils sont des citoyen de second ordre et qu'il doivent se taire au nom du respect dû à la majorité.
D'ailleurs, qu'on se le dise bien, en tant que minorité, ces gens-là ne menacent en rien l'omnipotence de la culture arabo-musulmane de notre pays, alors qu'on arrête de nous parler de complot laïc voulant corrompre la jeunesse. Laissons les gens libres de choisir leurs voies sans exclure et nous vivrons bien mieux ensemble.
Et enfin, Persepolis est un excellent film, aux personnages attachants, il porte un message de tolérance. Mais au delà de tout message et de tout scénario, ce film est sublime, touchant, drôle. Bien sûr, tous les goûts sont dans la nature, même les goûts de chiottes, mais ce qui est le plus terrible dans cette histoire, c'est l'incapacité d'une bonne partie de nos concitoyens d'apprécier un film pour ce qu'il est, sans y mêler leurs opinions ou leurs croyances. C'est la magie de l'imagination d'une enfant de 6 ans qui pense à Dieu qu'ils souillent de leurs conneries.
entièrement d'accord et j'ajoute deux points essentiels:
RépondreSupprimer1/ karoui en voulant jouer au plus intelligent s'est montré un attardé en politique. il a voulu ou il a cru pouvoir influencer l'opinion publique en interférant dans le débat alors que son rôle de journaliste l'incitait à la réserve. ce manque de discernement l'a transformé en cible facile des politiciens.
2/les intégristes ont reçu le film comme un coup de pied dans les couilles car il dévoilait leurs intensions cachées alors il ont lâché les chiens pour faire diversion. il ont réussi. Mais c'est aux blogueurs ( j'en fait partie) avec des posts pareils a qui revient le sale bouleau de recentrer le débat sur le vrai sujet du film et sur les dangers qui guettent notre société si on se laisse faire
ps : bon post