vendredi 29 juillet 2011

Kasbah III


 (Article écrit le 25 Juillet, ce qui explique que certains événements peuvent sembler dépassés.)

«Une fois que le sujet a refusé son allégeance et que le fonctionnaire a démissionné, la révolution est accomplie.» 
Plus de six mois après les évènements du 14 Janvier, il semble bien que l’espoir démocratique n’ait jamais été aussi fragile. 

Les derniers événements de la Kasbah 3 et de Sidibouzid ne font que remettre en évidence la pérennité des pratiques de l’ancien régime. Nous est-il encore permis de parler de révolution aujourd’hui ? Le système demeure inlassablement le même, que l’on est a sa tête un ZABA-mauve ou un cynique-BCE. Le gouvernement transitoire persiste à maintenir les techniques de l’ancien régime et à bâillonner ceux qui le contredisent à l’aide de BOP toujours aussi bien armés, de bombes lacrymogènes sur des manifestants pacifiques et de balles –perdues nous dira t-on-. On pourra toujours nous abrutir de discours mielleux et populistes ou de promesses d’élections mais il n’empêche que la répression n’a jamais cessé. La police tabasse quand ça proteste, les militaires punissent quand ça critique. De la démocratie pure et dure hein. N’ont-ils toujours pas compris que manifester est un droit ? A croire que « Le meilleur gouvernement est celui qui ne gouverne pas du tout »

Mais les conseillers de l’ombre de nos deux vieillards préférés ont apparemment trouvé une technique encore plus efficace pour faire taire la masse. Un ennemi commun sur lequel l’Etat pourrait exercer son racisme.
En temps de crise il est beaucoup plus facile de juguler les aspirations et les craintes d’une masse en braquant les projecteurs sur un ennemi commun source de tous les malheurs afin de faire tendre tout cet agrégat vers un même objectif.
Quelle surprise de voir alors que le premier ministre accuse «des partis politiques et des mouvements marginaux de vouloir empêcher la tenue des élections d’Octobre» se référant ainsi implicitement aux partis islamistes (mais aussi à l’extrême gauche bien qu’elle soit plus marginale). 
Il est tellement plus simple de mettre en avant les dangers (peut être réels) de partis tels qu’El Nahda au lieu de se confronter a ces propres soucis. Ainsi, la persistance sur le devant de la scène de la menace islamiste à la manière d’un Bush aurait pour seul but de détourner les citoyens d’autres problèmes plus primordiaux comme celui des libertés individuelles et collectives, de la justice (sociale et pénale). 
Mais ne nous y trompons pas, El Nahda n’est pas de son coté un ange ou une victime du système. L’opacité qui l’entoure et qui entoure ses financements la rend tout aussi suspecte et il ne faut pas s’y méprendre, elle n’est pas non plus l’amie de la révolution. Mais il sera peut être plus judicieux de traiter ce problème là que lorsque le véritable changement sera amorcé et qu’il nous permettra de voir que la soi-disant popularité de ce parti n’est qu’un mythe sans fondement. Quand bien même El Nahda aurait une véritable portée sur la population, stigmatiser ce parti ne lui ferait que s’attirer plus de compassion et de voix. La limitation du phénomène islamiste –qu’il soit réel ou non- ne peut être efficace qu’avec les armes de la démocratie.

Les autres partis, eux, font du profil bas, peaufinent leur stratagème. Ils sont dans la réaction, le calcul, dans l'opportunisme. C’est à celui qui aura le meilleur poste de ministre ou d’ambassadeur. Ces partis traditionnels faux opposants durant l’ère ZABA (« Votez pour moi mais il vaut mieux que vous votiez pour notre bien-aimé président !») continuent leur mascarade. Ainsi ils se présentent comme les leaders de l’opposition, les guides de la révolution mais quand il s’agit de pointer du doigt les dérives du système BCE ou de trouver des alternatives aux problèmes d’aujourd’hui, ces messieurs grisonnants se cantonnant à la demi-mesure, au populisme et aux discours vides sertis de grands mots. Ils diraient n'importe quoi tant que ça leur apporte quelques voix.
Le PDP, le FDLT ou Ettajdid en sont des exemples flagrants. Eux ou BCE, quelle est véritablement la différence ? Parce qu’eux bien sûr ont le droit de manifester eux du moment qu’ils suivent le gouvernement comme un troupeau. « La réforme occupe plusieurs dizaines de journaux mais pas un seul homme».
Pendant ce temps, l'Instance Supérieure Indépendante pour les Élections réussit péniblement à faire entendre sa voix. En effet sur sept millions d'électeurs potentiels, seul un million ont pris la peine de s'inscrire. Journaux, radios et télévision s’interrogent sur les causes d'une telle désertion. Certains invoquent la chaleur, d'autres le manque d’intérêt du citoyen lambda. Mais la raison est assez simple : Aller chercher une seule personne en Tunisie qui sait pour qui elle va voter et vous comprendrez pourquoi les gens rechignent à s'inscrire.


Toute l'absurdité de la chose est là : une centaine de partis politiques et le tunisien ne se reconnaît en aucun. Le tunisien sent parfaitement que la plupart de ces hommes politiques considèrent le peuple comme une sorte de variable qu'il faut manipuler tant bien que mal. Cette conception du peuple s'illustre très clairement lors des meetings politiques. La plupart sont de simples élucubrations des mots liberté, justice sociale et travail pour tous, mais aucun partis n'avance de vrais moyens pour y parvenir. On note également que la nouvelle constitution que ces partis vont écrire semble somme toute secondaire, la plupart des partis se focalisant sur la constitution d'un nouveau gouvernement issue des élections d'octobre. Et c'est là la plus grande menace, les partis auront tendance à s'occuper d'avantage de la gestion des affaires courantes que de la rédaction de la constitution.


Mais revenons en au présent. Les gens sont perdus, ils voient que leur révolution s’effiloche, qu'à part la liberté d'expression, bien peu de choses ont véritablement changé. On leur parle de forces contre-révolutionnaires qui œuvrent dans l'ombre, mais on ne leur parle toujours pas de cette fichue constitution, alors on se dit bien que quelque chose cloche sous le soleil et que ces élections sont une mascarade.


Et qu’on vienne nous demander pour qui allons nous voter ce fameux 23 Octobre. Assurément, Ommi Sissi.


Citations : Thoreau, Désobéissance Civile (assurément la Bible)

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