Depuis quelques semaines, nos responsables fraichement élus multiplient les déplacements à l'étranger, plus exactement, entre la Libye et le Qatar. Deux pays qui vont gentillement nous décharger de quelques 225 000 chômeurs. Certains y voient un bon signe, mais il ne faut pas se réjouir trop vite. Certes, la Libye aura besoin de nos travailleurs pour se reconstruire et le Qatar a toujours besoin de travailleurs supplémentaires au vu de sa sous population, mais envoyer nos chômeurs à l'étranger, n'est ce pas un signe d'échec que l'on envoie aux jeunes ? « Désolé, votre pays ne peut rien pour vous, allez voir ailleurs ». N'est-ce pas une atteinte à la dignité ?
Ils diront bien sûr que c'est temporaire, que c'est en attendant les investissements et surtout que c'est une opportunité sans précèdent pour nos jeunes. Mais la Tunisie ne manque pas d'opportunités, il suffit de prendre les bonnes décisions et d'être innovant. En matière de services, d'énergie verte, d'informatique, nos capacités sont énormes mais trop peu exploitées. Au lieu d'exploiter ces domaines porteurs d'avenir, le gouvernement promet des emplois dans le secteur public, qui est surchargé, démotivant et très rarement satisfaisant. On continue à bourrer l'administration au lieu d'essayer de la rendre plus efficace, moins chaotique, plus à l'écoute de chacun. Il faut absolument réformer l'administration, afin qu'elle soit au service du citoyen, et non une simple machine vide au service de personne.
On entend également parler ces derniers jours de fusion ou d'intégration avec la Libye. Mais au nom de quoi ? Au nom d'une proximité culturelle ? Si nous étions vraiment si proches nous nous serions tout naturellement unis depuis belle lurette. Comme l'a bien souligné Bourguiba à son époque, les sociétés libyenne et tunisienne sont de composition différentes, ont des cultures différentes et une histoire différente. La langue arabe et la religion musulmane ne suffisent en rien à unir deux peuples, comme l'ont bien montrées les différentes tentatives d'union arabes: La République Arabe Unie de 1958 (Égypte, Syrie) et l'Union des Républiques Arabes de 1971 (Libye, Égypte, Syrie). Le panarabisme a été un échec et ce serait une erreur de vouloir le faire revivre sous la même forme qu'autrefois.
Mais cette union avec la Libye peut également avoir des motifs économiques : un meilleur accès à leur marché, du pétrole pour la Tunisie... Mais est-ce qu'on vend la souveraineté de son pays pour du pétrole ? Est-ce qu'on vend sa culture pour quelques avantages ?
Il faudrait donc que notre gouvernement se rappelle que la révolution (si on peut encore l’appeler ainsi) a été faite parce que le peuple en avait assez d'être acheté et bafoué dans sa dignité. Il refusera certainement d'être vendu au plus offrant.