Facebook devrait vraiment s'installer en Tunisie, car ici plus que partout ailleurs, le réseau social est un acteur majeur de la vie politique. Imaginez qu'une vidéo postée sur Facebook fasse en une nuit le tour de la toile et déclenche dans tout le pays une vague de panique sans précèdent. Complot sahélien, coup d'état militaire, autant de théorie qui trottaient dans l'esprit de tout un chacun, mais qui dites par un haut responsable prennent un tournant bien plus inquiétant, et installent sur le pays une belle petite chape de plomb digne des plus belles années Ben Ali. Le jour même, après un cafouillage médiatique assez somptueux fait de confirmations et de démentis, des centaines de personnes ont commencé à manifester pour demander la démission du gouvernement avant d'être sauvagement chassé par des flics dont la formation tient plus du dressage canin que de la formation professionnelle. Et maintenant, retour au couvre-feu et des rumeurs (elles nous avaient manquées) de chaos à l'Avenue. Rumeurs qui jusqu'à maintenant sont fausses.
Toute cette affaire posent de nombreux problèmes que nous essayerons d'analyser un à un. Tout d'abord, le manque de professionnalisme des journalistes qui cherchent à tout prix le sensationnel, l'irresponsabilité de Farhat Rajhi qui lance des accusations comme s'il était un citoyen lambda dans un café quelconque, le manque de discernement des gens qui soit, ont une confiance aveugle en ce Monsieur, soit l'insultent à tour de bras parce que pour eux, rien ni personne n'a le droit de toucher à Caid Sebsi ou à l'armée, le total mutisme du gouvernement qui nous offre un bon coup de propagande télévisée ponctué d'images des dégâts causés par les manifestants-casseurs, et enfin, la violence totalement injustifiée des policiers qui ont été pris d'un violent accès de nostalgie 7 novembre, frappant même des femmes.
Commençons à la source : Une journaliste de Nour Press fait une interview de M, Farhat Rajhi où il expose avec une simplicité affligeante ses opinions qui semblent tout droit sorties d'un café, ses spéculations sur un soi-disant complot sahélien ne sont appuyés par aucune preuve, juste des suppositions lancées au gré du vent. Bien sûr, ce qu'il dit n'est pas absurde et nous sommes de plus en plus nombreux à penser que quelque chose se trame derrière notre dos et qu'en coulisse, on s'active à des choses louches pendant qu'on occupe le bon peuple avec de la niaiserie médiatique martelant à longue de journée le mot révolution alors que celle-ci semble nous échapper, mais lancer de telles accusations sans preuves quand on est un personnage influent est tout simplement irresponsable. Irresponsable l'est aussi, la journaliste qui publie ces déclarations sur Facebook sans les agrémenter d'analyse ou de commentaires, il s'agit clairement de faire du buzz et rien d'autre. Il est entendu que la liberté de la presse est totale, mais il s'agit là d'un problème de déontologie : On ne publie pas un document pareil sans autorisation du Monsieur en question et on ajoute des commentaires pour peser le pour et le contre et réfléchir à la validité de ces théories.
Ensuite, M. Rajhi, lui-même. Il jouit de la sympathie d'une grande partie de la population, et ses déclarations, ont tout de suite été perçues comme vraies par des gens qui le considèrent comme le héros qui a ébranlé le ministère de l'intérieur, alors qu'il n'a ni preuves ni témoignages. Et l'on arrive là un autre gros problème qui est l'incroyable crédulité des gens, qui semblent tout bonnement incapables de peser le pour et le contre ou de faire des compromis. Les gens descendent directement dans la rue parce qu'ils croient aux déclarations de Rajhi, non parce qu'elles sont fondés mais parce que c'est lui qui l'a dit et que de par sa réputation, ses déclarations ne peuvent être que vraies. Si Hamma Hammami avait dit la même chose, on lui aurait ri au nez, ce qui montre clairement qu'aujourd'hui en Tunisie, qui vous êtes importe plus que ce que vous dites aux yeux des gens. Certaines personnes ont la très mauvaise idée d'admirer nos hommes politiques, que ce soit le premier ministre, le chef des armées etc... Cela s'illustre par des pages Facebook aussi saugrenues que « Touche pas à Beji Caid Sebsi » ou « Tous unis avec le ministre de l'intérieur Farhat Rajhi » et de loin le meilleur "SAYEB SEBSI". Comment voulez-vous construire une démocratie digne avec ces enfantillages ? Au lieu de penser par eux-mêmes, et de se forger leur propre avis, beaucoup de tunisiens choisissent une personnalité politique à qui ils accordent leur confiance et ferment les yeux dès que l'intégrité de ces personnes est remise en question. Aussi entend-t-on des gens s'indigner « Comment ose-t-il traiter le Premier Ministre de menteur ? ».
Et d'ailleurs, quelle a été la réponse du gouvernement ? Un silence total, aucune communication si ce n'est un démenti morne d'un chargé de communication. Mais la réponse du gouvernement a été clairement visible sur la télévision nationale qui avait pour l'occasion son ancienne parure mauve : On nous montrait les pillages, les scènes de guérilla urbaine en nous disant que la police a du se défendre contre ces dangereux fauteurs de troubles. Oui, c'est sur que la femme tabassée alors qu'elle était au sol présentait un danger imminent, et que le photographe de l'AFP poursuivit jusqu'au siège de son journal pour être frappé et voir son matériel confisqué portait atteinte au prestige de l’État. Nous n'avons vu que des images où des dizaines de policiers frappaient ou trainaient des manifestants à terre et en très large infériorité numérique, pour ensuite lire, incrédules les « excuses » du Ministère de l'Intérieur qui invoque des erreurs non voulues. De qui se moque-t-on ? Cet acharnement sur les citoyens est tout sauf accidentels. Messieurs les policiers, LES GENS ONT LE DROIT DE MANIFESTER. C'est leur droit et VOUS n'avez pas le droit de jeter des lacrymos et de frapper s'ils manifestent sans violence. Ce n'est pas parce qu'ils manifestent contre le gouvernement qu'il faut à tout prix les faire taire, ça c'est du Ben Ali tout craché, faire taire toute contestation par les coups. Messieurs les policiers, votre chef est parti, vous n'êtes plus Dieu et vous devez répondre de vos actes. Vous n'avez plus le droit de frapper comme bon vous semble. Vous faites un métier, qui exige de vous de la raison et non de la sauvagerie, alors si vous ne faites ce métier que pour le plaisir animal de frapper autrui sans en subir les conséquences, démissionner tout de suite car l'impunité est révolue. Le ministère de l'intérieur doit se réformer et ne plus se résumer à la flicaille nauséabonde et à l'espionnage du citoyen car vous l'aurez-vous les policiers en civil sont encore là et 5 mois après la chute de Ben Ali, on en est encore à se demander si le type derrière nous au café est flic ou pas.
Z, toujours. |